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ÉLOGE DE M. FONTAlNE.


dues à des vues fugitives, pour ainsi dire, qui ont dirigé les procédés de ses calculs, mais que souvent il n’a pas jugé à propos de développer.

La plupart de ses ouvrages roulent sur des objets de pur calcul, et conduisent à des théories profondes, plutôt qu’à des résultats applicables à des objets utiles. Il est donc impossible d’en faire voir ici l’importance et le mérite. Ce mérite ne pouvait être senti que par de très-grands géomètres ; eux seuls pouvaient connaître M. Fontaine. Les autres n’admiraient en lui que la grandeur des objets qui l’occupaient, et la hardiesse qu’il avait eue de les choisir. L’admiration de ces derniers ne flattait pas M. Fontaine, mais il trouvait du plaisir à les avoir étonnés ; quelquefois même il s’est plu à laisser, sur la nature et l’étendue de ses méthodes, une obscurité affectée, qui servait surtout à en cacher les limites. Alors il aimait à être deviné par ses égaux, et convenait de tout avec franchise, lorsqu’ils l’avaient pénétré ; mais, si quelques-uns de ces hommes qui louent uniquement pour faire croire qu’ils entendent, vantaient dans ses ouvrages des choses qui n’y étaient point, il riait de leur méprise et ne les en tirait pas.

Les géomètres ont un grand avantage : leur gloire ne dépend que d’un petit nombre déjuges dignes de l’être. Le suffrage de ces juges leur suffit, et la voix de la multitude ne pourrait les en dédommager ; aussi ont-ils ce bonheur, que les petits moyens leur sont inutiles, et que les découvertes sont le seul qui puisse les mener à la gloire. Si même l’injustice de leurs