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ÉLOGE DE M. FONTAINE.


sions, fondées moins souvent sur la raison que sur les passions du législateur, ou sur les préjugés de son siècle.

D’ailleurs, la considération qu’on achète avec une charge, ne flatte guère que les hommes qui n’ont pas en eux de quoi prétendre à celle que donnent les talents ; et l’envie d’être ce qu’on appelle quelque chose, n’est bien souvent, dans uti jeune homme, que l’instinct de la médiocrité. Tourmenté par les sollicitations de ses parents, et encore plus par l’activité de son génie, auquel la province n’offrait aucun aliment, M. Fontaine vint chercher à Paris le repos et un objet d’occupation. Le hasard lui offrit un livre de géométrie, dont il avait appris les éléments dans son enfance, et il sentit qu’il était né pour elle. Il la cultiva environ deux ans dans la capitale. Élevé chez les jésuites, ce fut au père Castel qu’il s’adressa pour avoir des secours et des conseils. Le père Castel était alors le mathématicien le plus célèbre de la Société. La nature lui avait donné une imagination ardente, un esprit hardi et élevé ; peut-être eût-il laissé quelque réputation, si la certitude de compter autant d’admirateurs qu’il y avait de jésuites, n’eût éteint en lui cette inquiétude qui nous rend difficiles sur nos productions, et sans laquelle le génie même s’élèverait rarement à de grandes choses : tant il est vrai, et même en plus d’un sens, qu’il n’y a point pour les talents d’ennemis plus dangereux que les preneurs.

La fortune de M. Fontaine ne lui permettait pas