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LE SEUR.


son coté le commentaire tout entier. Ils se communiquaient ensuite leurs travaux, et décidaient à quelle manière ils devaient donner la préférence ; mais jamais on n’a su à qui des deux appartenait celle qu’on a imprimée, et eux-mêmes l’avaient oublié.

Le père Jaquier fit un voyage en France. Le père Le Seur, privé de celui avec qui il aimait à penser, se livra encore à des distractions futiles ; il semblait n’avoir d’activité pour les sciences, que parce que son ami les aimait.

Après leur réunion, ils donnèrent sur le calcul intégral un grand ouvrage, le plus complet qu’on eût encore publié, puisqu’il renferme toutes les méthodes jusqu’alors connues des géomètres. Ce traité fut imprimé à Parme, en 1765, par les ordres du souverain qui avait appelé les deux mathématiciens auprès de son fils. M. de Kéralio, gouverneur du jeune prince, était également digne, par ses connaissances et par son caractère, d’apprécier les talents et les vertus des deux amis. C’est lui qui les avait fait connaître à cette cour, et il eut le plaisir de leur procurer des honneurs que leur mérite modeste n’avait point recherchés.

L’amour-propre n’est un sentiment bien vif que dans ceux qui n’en connaissent point d’autres. Les deux amis en eurent peu, même pour leurs découvertes communes. Un des meilleurs géomètres d’Italie, avec qui ils étaient liés, les avertit qu’on s’était servi de leur travail sans les citer. C’est une preuve qu’on a trouvé notre travail utile, répondirent les deux savants ; et ils ne firent pas d’autres