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LE SEUR.


parents peu éclairés l’élevèrent dans une dévotion peut-être trop timide : il se persuada que le cloître était le seul asile où il n’eut pas tout k craindre pour son salut ; et comme il avait un oncle Minime, il prit à dix-huit ans l’habit de cet ordre. Ses supérieurs l’envoyèrent à Rome, au collège de la Trinité du Mont : on lui enseigna le système des tourbillons ; mais il avait un esprit très-juste, et peu d’imagination. Ce système si brillant ne lui parut qu’un roman sans intérêt et sans vraisemblance. Il ne savait pas qu’il y eût une autre méthode d’étudier la nature, et, croyant bonnement que son esprit n’était pas propre à la philosophie, il était prêt à y renoncer, lorsque le hasard lui offrit un livre de géométrie : dès ce moment il sentit qu’il y avait une science vraiment digne de ce nom, et il l’aima le reste de sa vie. Son cours d’études achevé, ses supérieurs l’appelèrent en France, et le placèrent dans une petite ville.

Là, seul, sans compagnon d’étude, sans émulation, sans ressources, il cessa de cultiver les sciences, mais il en conserva le goût. Parmi les plaisirs de la société, il choisit ceux qui fournissent à l’esprit une occupation futile, mais profonde, les jeux dépure combinaison ; et il y portait la sagacité d’un géomètre-Au bout de cinq ans, il entend dire que le père Jaquier, qui lui a succédé à Rome, s’est déjà fait un nom parmi les savants d’Italie, et qu’il ose attaquer hautement ce système des tourbillons, dont le père Le Seur s’était contenté de sentir la fausseté. Alors il demande d’aller joindre à Rome le père Jaquier :