Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/131

Cette page n’a pas encore été corrigée
111
PITCARNE.


de cette erreur : il fit avaler à un oiseau de proie un tube de fer-blanc ouvert par les bouts ; ces bouts étaient garnis de grilles, et il avait assujetti dans le milieu du tube un morceau de viande. L’animal rendit le tube qui n’avait subi aucun changement de forme, non plus que les grilles, et cependant les sept huitièmes de la viande étaient réduits à une bouillie onctueuse au toucher, et d’un goût fade. Des os, soumis à la même épreuve, furent changés en une substance gélatineuse ; mais les substances végétales n’éprouvèrent aucune altération. Il semble donc qu’il y a des espèces auxquelles la nature a imposé la loi cruelle de ne pouvoir subsister que par le meurtre, à moins qu’il ne faille attribuer cette impossibilité de digérer les végétaux, à la longue habitude de l’individu ; habitude préparée par une longue suite de générations de la même espèce. Peut-être que chez des peuples accoutumés dès longtemps à ne se nourrir que d’aliments du règne animal, on trouverait que le suc gastrique de l’homme a contracté le même défaut. On ne sait pas jusqu’à quel point l’habitude peut altérer à la longue la constitution et peut-être même la forme des espèces. Nous n’observons que d’hier, et nous voulons prononcer sur les lois éternelles de la nature. N’accusons pas surtout ces lois, de ce qui n’est peut-être que l’ouvrage de notre voracité et de notre barbarie.

M. de Réaumur voulut connaître la nature de ce suc gastrique, auquel il attribuait les altérations que la viande avait subies dans l’estomac de l’oiseau ; il fit