de cette erreur : il fit avaler à un oiseau de proie
un tube de fer-blanc ouvert par les bouts ; ces bouts
étaient garnis de grilles, et il avait assujetti dans le
milieu du tube un morceau de viande. L’animal
rendit le tube qui n’avait subi aucun changement
de forme, non plus que les grilles, et cependant les
sept huitièmes de la viande étaient réduits à une
bouillie onctueuse au toucher, et d’un goût fade.
Des os, soumis à la même épreuve, furent changés
en une substance gélatineuse ; mais les substances
végétales n’éprouvèrent aucune altération. Il semble
donc qu’il y a des espèces auxquelles la nature a imposé
la loi cruelle de ne pouvoir subsister que par le
meurtre, à moins qu’il ne faille attribuer cette impossibilité de digérer les végétaux, à la longue habitude de l’individu ; habitude préparée par une
longue suite de générations de la même espèce.
Peut-être que chez des peuples accoutumés dès
longtemps à ne se nourrir que d’aliments du règne
animal, on trouverait que le suc gastrique de
l’homme a contracté le même défaut. On ne sait pas
jusqu’à quel point l’habitude peut altérer à la
longue la constitution et peut-être même la forme
des espèces. Nous n’observons que d’hier, et nous
voulons prononcer sur les lois éternelles de la nature.
N’accusons pas surtout ces lois, de ce qui n’est
peut-être que l’ouvrage de notre voracité et de
notre barbarie.
M. de Réaumur voulut connaître la nature de ce suc gastrique, auquel il attribuait les altérations que la viande avait subies dans l’estomac de l’oiseau ; il fit