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ÉLOGE DE ROEMER.

Le roi de Danemark ne se contenta pas de l’honneur de protéger cet homme illustre, il eut encore l’habileté de l’employer. Les monnaies, les arsenaux, les ports de Danemark furent soumis à l’inspection de Roëmer. Il s’occupa du soin de procurer au Danemark des mesures et des poids, qui eussent pour base une unité fixe qu’on retrouvât toujours et que le temps ne pût altérer. Ce citoyen zélé ne se borna pas même à ce que son génie pouvait inventer d’utile à sa patrie ; il parcourut toute l’Europe, et revint dans son pays, chargé de tout ce qu’il avait remarqué d’ingénieux dans les procédés des arts ou dans les inventions mécaniques. Le Danemark s’enrichit de ces espèces de conquêtes, plus utiles quelquefois et toujours plus légitimes que celles qu’on achète au prix du sang des hommes.

Roëmer fut marié deux fois. Il n’a point eu d’enfants, et a survécu à ses deux femmes, toutes deux de la famille Bartholin, et filles, l’une de l’astronome, l’autre de l’anatomiste de ce nom.

Roëmer avait été fait, en 1705, conseiller d’État, et premier magistrat de Copenhague, comme l’astronome Hévélius avait été sénateur de Dantzick ; il garda sa place jusqu’à sa mort, arrivée après cinq années d’une administration pure et chère au peuple. Heureusement pour les habitants de Copenhague, Frédéric IV était supérieur à ce préjugé, si commun dans les cours, que les savants sont incapables des places d’administration ; comme si l’habitude de chercher la vérité ne pouvait pas tenir lieu de la routine qui s’acquiert dans les emplois subalternes.