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cipes généraux de la justice ? Ce n’est pas une raison suffisante de l’adopter ; il faut de plus prouver qu’elle est utile, et que les circonstances l’exigent et la justifient.

Il peut être bon de remonter à l’origine de cet abus du mot révolutionnaire.

Quand il fut question d’établir la liberté sur les ruines du despotisme, l’égalité sur celles de l’aristocratie, on fit très-sagement de ne pas aller chercher nos droits dans les capitulaires de Charlemagne, ou dans les lois Ripuaires ; on les fonda sur les règles éternelles de la raison et de la nature.

Mais bientôt la résistance des partisans de la royauté et des abus obligea à prendre des moyens rigoureux que les circonstances rendaient nécessaires : alors, les anti-révolutionnaires crurent embarrasser leurs adversaires, en alléguant ces mêmes principes de justice naturelle avec lesquels on les avait si souvent battus ; on entendait, sans cesse, invoquer la déclaration des droits par ceux qui en avaient trouvé la proposition absurde et dangereuse.

Comme on ne pouvait souvent leur répondre qu’avec une logique assez fine, et qu’on ne se croyait pas toujours sûr du succès, on imagina le mot de loi de circonstance, qui, devenant bientôt ridicule, fut remplacé par celui de loi révolutionnaire.

Les anciennes lois de presque tous les peuples ne sont qu’un recueil d’attentats de la force contre la justice, et de violations des droits de tous en faveur des intérêts de quelques-uns ; la politique de tous les gouvernements n’offre qu’une suite de perfidies