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une nouvelle constitution.

terme de leur existence politique ; et il est naturel qu’ils cherchent à le retarder.

Ces diverses classes doivent donc se réunir, même sans se concerter, et tendre au même but avec des projets différents.

Ils doivent s’occuper d’abord de faire naître ou de prolonger les agitations du peuple. Dès qu’un plan de constitution raisonnable est offert à la discussion publique, ils doivent y supposer des intentions secrètes et coupables ; ils doivent y chercher ce qui peut contredire des préjugés, irriter les passions, s’attacher surtout à ce qui serait vraiment utile, et se bien gai der d’attaquer les défauts réels qu’il serait facile de corriger, lis ne doivent négliger aucun moyen d’avilir l’assemblée chargée de donner ou de présenter une constitution, afin de lui ôter la confiance des citoyens, avant qu’elle puisse terminer son ouvrage, et de la forcer à céder sa place à des successeurs qu’ils s’efforceront d’avilir encore. Ils doivent y semer la division, y nourrir les haines, y rendre les discussions tumultueuses, y faire prendre l’habitude d’une marche incertaine, incohérente, tantôt lente jusqu’à l’incurie, tantôt précipitée jusqu’à l’imprudence.

Les désordres qui ont la disette ou le haut prix des subsistances pour cause, ou pour prétexte, seront une des armes qu’ils emploieront avec le plus d’activité et d’espérance de succès. C’est l’objet sur lequel il existe le plus de préjugés, le plus de facilité d’agiter le peuple, et de rendre ses agitations durables et dangereuses.