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exposition des principes et des motifs

Français, nous vous devons la vérité entière. Vainement une constitution simple et bien combinée, acceptée par vous, assurerait vos droits : vous ne connaîtrez ni la paix ni le bonheur, ni même la liberté, si la soumission à ces lois que le peuple se sera données, n’est pour chaque citoyen le premier de ses devoirs ; si ce respect scrupuleux pour la loi, qui caractérise les peuples libres, ne s’étend pas à celles même dont l’intérêt public ferait solliciter la réforme ; si, chargés de choisir les dépositaires de toutes les autorités, vous cédez aux murmures de la calomnie, au lieu d’écouter la voix de la renommée ; si une défiance injuste condamne les vertus et les talents à la retraite et au silence ; si vous croyez les accusateurs au lieu de juger les accusations ; si vous préférez la médiocrité qu’épargne l’envie, au mérite qu’elle se plait à persécuter ; si vous jugez les hommes d’après des sentiments qu’il est si facile de feindre, et non d’après une conduite qu’il est difficile de soutenir ; si enfin, par une coupable indifférence, les citoyens n’exercent pas avec tranquillité, avec zèle, avec dignité, les fonctions importantes que la loi leur a réservées. Ori seraient la liberté et l’égalité, si la loi qui règle les droits communs à tous n’était également respectée ? et quelle paix, quel bonheur pourrait espérer un peuple dont l’imprudence et l’incurie abandonneraient ses intérêts à des hommes incapables ou corrompus ! Quelques défauts au contraire que renferme une constitution, si elle offre des moyens de la réformer, à un peuple ami des lois, à des citoyens occupés des