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du plan de constitution.

loux de les conserver, viennent de les recouvrer, et ont pu craindre de les reperdre encore.

Devant ces salutaires dispositions doivent également disparaître l’enthousiasme et la défiance exagérée, la fureur des partis et la crainte des factions, la pusillanimité, pour qui toute agitation est la dissolution de l’État, et l’inquiétude qui soupçonne la tyrannie dès qu’elle aperçoit l’ordre ou la paix.

Dans toute grande société qui éprouve une révolution, les hommes se partagent en deux classes : les uns, s’occupant avec activité des affaires publiques, par intérêt ou par patriotisme, se montrent dans toutes les disputes d’opinion, se distribuent dans toutes les factions, se divisent entre les partis : on les croirait la nation entière, tandis que souvent ils n’en sont qu’une faible portion.

Les autres, livrés à leurs travaux, retenus dans leurs occupations personnelles, par la nécessité ou l’amour du repos, aiment leur pays sans chercher à le gouverner, et servent la patrie sans vouloir y faire dominer leur opinion ou leur parti ; forcés ou de se partager entre des factions, de donner leur confiance à des chefs d’opinion, ou de se réduire à l’inaction et au silence, ils ont besoin qu’une constitution leur montre d’une manière certaine quel est leur intérêt et leur devoir, afin qu’ils puissent apprendre sans peine vers quel but ils doivent réunir leurs efforts ; et dès qu’une fois leur masse imposante s’est dirigée vers ce but commun, la portion active des citoyens cesse de paraître le peuple entier ; dès lors les individus ne sont plus rien, et la nation seule existe.