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du plan de constitution.

damnant un innocent, l’emporte sur celui de se tromper en absolvant un coupable. On pourrait, avec justice, exiger aussi cette pluralité plus grande dans les affaires importantes, qu’il serait dangereux de mal décider, et dont la décision peut être différée sans des inconvénients assez graves pour balancer ce danger. On peut l’exiger encore pour les cas où les motifs qui déterminent une décision doivent, s’ils sont réels, frapper tous les esprits, parce qu’alors une faible majorité est une raison de révoquer en doute l’existence de ces motifs. On peut l’exiger, enfin, lorsqu’il s’agit d’exception à une loi générale, dont la bonté est reconnue.

Or, ces quatre conditions se réunissent ici, puisque, si l’urgence est rejetée, et que de nouvelles raisons viennent l’appuyer, rien ne s’oppose à une délibération nouvelle. Ce sont donc les inconvénients du délai d’un seul jour qu’il faut mettre en balance avec le danger de multiplier les décisions précipitées.

Observons, d’ailleurs, qu’il ne s’agit point ici de soumettre la majorité à la minorité, mais d’obéir à la volonté de la majorité de la nation, qui, dans ce cas, aurait mis cette réserve à la légitimité d’une exception à la loi générale, adoptée par elle-même.

Cette majorité n’a-t-elle pas le droit de fixer les conditions de la soumission provisoire à laquelle son vœu seul a pu assujettir l’universalité des citoyens ?

En plaçant ainsi le principe unique de l’action sociale dans une assemblée de représentants du peuple, qui ne trouverait dans les autres autorités que les