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donne au jugement une égale probabilité, cependant diverses considérations l’affaiblissent à mesure que ce nombre s’accroît.

Il faut donc exiger une pluralité plus grande. D’un autre côté, celle des quatre sixièmes devient beaucoup trop forte, à mesure que le nombre des jurés augmente. Si le même jugement sur la vérité d’un fait peut être influencé par des différences d’opinions étrangères au fait en lui-même, exiger, pour un nombre très-grand de jurés, une pluralité proportionnelle, aussi forte que celle de la loi commune, ce ne serait pas assurer la vérité d’un jugement, mais le dénaturer au point de ne plus en faire qu’un combat entre les deux opinions qui partageraient les esprits.

C’est donc entre ces deux extrêmes qu’il faut choisir, et on ne doit le faire qu’après avoir fixé le nombre des jurés.

On a proposé de rendre public, dans ce jugement, ce qui ne l’est pas dans les jugements ordinaires ; mais ce changement est contraire à la nature même des décisions par jurés. Chargés de prononcer d’après leur seule conscience, elle doit conserver l’indépendance la plus absolue ; non-seulement la puissance nationale, mais l’opinion du peuple ne doit pouvoir exercer sur elle aucune autorité ; elle doit rester libre comme la pensée même.

Pourriez-vous, sans blesser ce principe, soumettre à l’opinion publique une décision dans laquelle on se rendrait coupable, si, en la prononçant, on se permettait de songer à la force, à l’existence même