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d’un jour à l’autre de fonction, pourrions-nous nous répondre de changer aussi nos habitudes ?

Déjà, des frontières de la France, et bientôt des extrémités de l’Europe, la voix de la calomnie se fait entendre. Ce n’est point le peuple, dit-elle, qui veut que Louis soit jugé, c’est une poignée de factieux atrabilaires, qui ont égaré ou subjugué les esprits incertains et timides. En vain l’Assemblée législative, que de longs combats contre les complots de la cour avaient irritée, s’est renfermée dans les limites étroites que la constitution lui avait tracées ; en vain, dédaignant d’imiter l’ambition usurpatrice du long parlement d’Angleterre, elle s’est empressée de remettre au peuple des pouvoirs qui ne suffisaient plus pour le sauver ; en vain la Convention est-elle formée d’hommes revêtus de la confiance nationale, postérieurement aux événements qui ont précipité Louis XVI du trône constitutionnel : les ennemis de la république française n’en oseront pas moins présenter à tous les peuples, comme les ennemis d’un roi détrôné, ceux qui exercent les pouvoirs dont il a été dépouillé. Eh bien, imposons silence à ces cris de la tyrannie inquiète, de la servitude effrayée par la chute d’une de ses idoles ! Que la nation entière nomme les juges, et que son vœu ne puisse plus être méconnu.

La plupart des motifs qui doivent nous éloigner de remplir les fonctions de juges, nous interdisent également de les choisir.

C’est à la nation seule que ce choix peut être réservé. Elle seule peut être regardée comme absolu-