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ter, mais seulement faire proposer cet article si clair et si simple : Le roi, quelque crime qu’il commette, ne pourra jamais en être puni que par la déchéance ? Et comment aurait-il pu croire que tel était le sens des articles de la constitution, puisque ceux qui l’ont établie n’ont pas même souffert que ce sens leur fût directement présenté ? Comment aurait-il pu regarder comme l’assurance d’une impunité absolue, le succès des moyens prodigués pour obtenir seulement un honteux silence ?

Il est temps d’apprendre aux rois que ce silence des lois sur leurs attentats est le crime de leur puissance, et non le vœu de la raison ou de l’équité.

La question se réduit donc maintenant à examiner si la règle de justice, qui exige qu’une loi antérieure ait déterminé le délit et la peine, demande aussi l’antériorité dans la loi qui établit le mode de juger.

Or, je ne crois pas que cette condition soit exigée par la justice. En effet, un seul motif pourrait faire regarder cette antériorité comme nécessaire : c’est que l’on doit aux citoyens l’assurance qu’ils ne pourront être arbitrairement soumis à une procédure injuste, à une procédure qui, établie pour un seul accusé, peut être combinée d’après des passions ou des préventions personnelles. Mais il ne peut être question ici d’instituer arbitrairement un mode individuel de jugement : il s’agit seulement d’appliquer à un individu qui se trouve dans des circonstances extraordinaires, le mode de jugement établi pour tous les autres.