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opinion

sentants élus du peuple, est de ne pouvoir être poursuivis qu’en vertu d’un décret du corps législatif. Aussi, lorsque, dans l’Assemblée constituante, on discuta la question de l’inviolabilité du roi, on allégua pour motif, et avec raison, que, par la nature même et l’importance de ses fonctions, il ne pouvait être soumis à répondre devant un tribunal, d’après la réquisition des mêmes fonctionnaires dont il était chargé de surveiller la conduite. On prouva que l’homme qui avait l’autorité de suspendre la formation des lois, que le chef du pouvoir exécutif, celui de l’armée, de la flotte, ne devait point être exposé à se voir arrêté dans ces grandes fonctions par la volonté d’un tribunal particulier. On se servit en sa faveur, et avec le même succès, des raisonnements employés pour soustraire les représentants du peuple à l’ordre commun des poursuites judiciaires.

Il est vrai que, pour ceux-ci, on indiqua la marche que devait tenir la justice, et qu’on n’osa l’indiquer pour le roi ; mais jamais cette lâche maxime, qu’un roi incendiaire, assassin, parricide, serait impuni, n’a souillé les lois de la France, déjà plus qu’à demi libre. Croit-on que si ce principe servile y eût été textuellement inséré, la nation eût voulu adopter, ou du moins essayer l’acte constitutionnel, et le regarder comme une loi obligatoire ? Aurions-nous osé le montrer aux étrangers comme une constitution moins défigurée par de grossières violations du droit naturel, que celles de la plupart des autres peuples ?

Dira-t-on que l’inviolabilité d’un roi doit être en-