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d’un conseil électif.

répéter, regardent comme absurde le projet d’une grande république ; mais, jusqu’ici, aucun d’eux n’a encore daigné révéler en quoi consiste précisément cette absurdité.

On conçoit que la monarchie héréditaire a deux grands avantages. 1o Elle nécessite l’établissement d’un énorme revenu, dont la disposition, à peu près arbitraire, offre d’utiles espérances. 2o Il est difficile qu’à côté de l’hérédité d’une grande place, il ne s’établisse ou ne se conserve une hérédité de considération ou d’importance, très-propre à consoler de cette égalité désespérante d’une république bien constituée. Des esprits sévères ne voient là, sans doute, que des dangers ; mais, comment ne sentent-ils pas qu’un peu de corruption est nécessaire pour tempérer l’ardeur du patriotisme, et qu’il est dangereux de trop désespérer la vanité, en réduisant les hommes à ne plus exister que par leurs qualités personnelles[1] ?

Cependant, ceux qui ne seraient pas frappés de ces avantages, les seuls que j’aie pu découvrir jusqu’ici dans la royauté, ne peuvent voir dans l’institution d’un chef héréditaire inviolable, mais obligé

  1. L’hérédité et la liste civile, c’est-à-dire, les deux conditions qui rendent la royauté absurde, corruptrice, contraire à l’égalité des droits, incompatible avec une bonne constitution, sont précisément ce qui la rend si chère aux monarchistes. Ils ne feraient aucun cas d’un roi électif qui n’aurait que cent mille livres de rente, eût-il d’ailleurs les vertus de Julien et de Marc-Aurèle. Ce n’est pas la monarchie, le gouvernement d’un seul, qu’ils vrillent c’est la corruption et l’inégalité.