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les hommes capables de réflexion, quels que soient leur patrie et leurs principes.

Tout ce qui ne veut point baisser un front servile sous le bâton de Catherine, de François ou de Guillaume, tout ce qui aspire à conserver quelque propriété, quelque liberté, quelque honneur, indépendamment de leur gracieuse volonté, doit s’unir à la nation française ; tous doivent se réunir contre ce vil ramas de brigands qui, sous le nom d’émigrés français, ont répandu dans les pays étrangers le mensonge et la corruption. Comment les héros qui ont servi sous le grand Frédéric, sous Daun, sous Laudon, peuvent-ils s’abaisser à être les vils satellites d’un Calonne, d’un Breteuil, d’un Bouillé, engraissé tour à tour, et des coups de fouet qu’il faisait donner à ses nègres, et des affaires dont il partageait le profit avec les maîtresses de nos ministres ?

Comment la nation prussienne s’obstinerait-elle à faire la guerre au peuple français, qui regardait une alliance avec elle comme un moyen de déjouer les complots tramés à la cour de Louis XVI, et à la faire en faveur de cette même cour qui refusait cette alliance, et sacrifiait l’intérêt de la France et la sûreté de la monarchie prussienne à l’ambition de la maison d’Autriche ? Pourquoi les puissances européennes, qui ont reconnu le prince d’Orange à la place de Jacques II, ne reconnaîtraient-elles pas le conseil électif substitué au roi des Français ? Pourquoi la nation française ne pourrait-elle pas faire, à l’égard de Louis XVI, ce que les nations de l’Amérique ont fait à l’égard de George III ?