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de l’influence d’un monarque, etc.

liste d’inutiles valets, occupés à épier et à servir les minutieuses volontés des premières classes de valets ? L’homme qui laboure nos champs pourrait-il jamais concevoir cette incroyable division et subdivision des fonctions domestiques, qui finit par les réduire la plupart à quelques gestes et à quelques paroles ? Législateurs de la France, quels reproches sa raison grossière ne ferait-elle pas à votre raison éclairée ? Ne pourrait-il pas vous dire : Tandis que je lutte chaque jour, par mon travail, contre les besoins et la mort, pourquoi donnez-vous à un homme tous les moyens d’abuser de la vie ? Tandis que je suis consumé par la crainte de ne pouvoir nourrir les enfants que j’ai fait naître, pourquoi créez-vous une place où, sous l’accablement des jouissances, il ne reste d’autre inquiétude que celle de ne pouvoir trouver un nouveau moyen de dissiper l’or ? Je pardonne à la fortune de l’avoir accumulé dans quelques mains et dans quelques familles ; mais puis-je vous pardonner à vous qui, à l’instant même où le voleur public de vingt-cinq millions d’hommes avoue l’immense dette qu’il a hypothéquée sur leurs bras et sur leur générosité, allez récompenser, par des trésors, ses rapines et ses dilapidations ? Êtes-vous nos représentants, quand vous connaissez si peu nos droits ? Et ne savez-vous pas quelles sont les volontés des hommes, dont la première et la dernière habitude est le travail et la douleur ?