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SUR LE DÉCRET DU 13 AVRIL 1790. RELIGION CATHOLIQUE.


Il a été un temps où l’enthousiasme religieux entrait dans toutes les agitations des peuples, et décidait de presque toutes les grandes révolutions : l’hypocrisie était alors la reine du monde. Ces temps ne sont pas encore très-éloignés de nous, ne sont point même passés pour tous les peuples. L’épée et la toque bénites envoyées par le pape au maréchal Daun ; la guerre civile allumée en Pologne, pour que la religion catholique, apostolique et romaine fut et demeurât pour toujours la seule religion de la nation ; l’assassinat de Stanislas II, projeté devant une image de la Vierge ; les capucinades politiques du secrétaire d’État Van-Eupen, tout cela est de nos jours.

Il n’était donc pas absurde d’espérer qu’en forçant l’assemblée nationale à prononcer sur une question qui avait causé une guerre en Pologne il y a vingt ans, on pourrait exciter au moins quelques soulèvements. Heureusement les Français savent lire, et on ne leur persuadera point de reprendre les chaînes qu’ils ont brisées, crainte de voir tomber du même coup celles qui gênent encore leur conscience et leur pensée.