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BIOGRAPHIE


ils plaçaient en première ligne celui de disposer de son intelligence, de ses bras et de son travail. Nos philosophes voulaient donc l’abolition d’un grand nombre de formalités souvent bizarres et toujours coûteuses, qui avaient fait de l’état d’ouvrier un odieux esclavage.

Si les maîtrises, si les jurandes étaient le désespoir des artisans, des ouvriers des villes, les corvées frappaient tout aussi sévèrement les ouvriers des campagnes.

Les corvées condamnaient à travailler sans salaire, des hommes qui n’avaient que leur salaire pour vivre ; elles permettaient de prodiguer le travail, parce qu’il ne coûtait rien au trésor royal. La forme des réquisitions, la dureté du commandement, la rigueur des amendes joignaient l’humiliation à la misère. Turgot et Condorcet s’étaient déclarés les plus ardents adversaires de cette cruelle servitude.

Les deux philosophes n’étaient pas de ces hommes qui deviennent tolérants pour le crime, à force de le voir commettre. L’infâme trafic de la traite des nègres avait excité toutes leurs antipathies. Si le temps et l’espace me le permettaient, je pourrais transcrire ici une lettre