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PORTRAIT


naire de la vie, devient ardente et pleine de feu, s’il s’agit de défendre les opprimés, ou de défendre ce qui lui est plus cher encore, la liberté des hommes et la vertu des malheureux ; alors son zèle va jusqu’à la passion ; il en a la chaleur et le tourment, il souffre, il agit, il parle, il écrit, avec toute l’énergie d’une âme active et passionnée.

A l’égard de la vanité, qui est dans presque tous les hommes le fond le plus solide de toute leur existence et le mobile le plus commun de toutes leurs actions, je ne sais pas où s’est placée celle de M. de Condorcet ; je n’en ai jamais pu découvrir en lui ni le germe ni le mouvement. Je n’ose pourtant affirmer qu’il n’en ait point, parce que je crois qu’elle est de l’essence de la nature humaine ; mais tout ce que je puis faire, c’est de vous promettre d’observer encore M. de Condorcet, et si jamais je découvre en lui un seul mouvement de vanité, je l’ajouterai en note à cette longue rapsodie. J’ajoute encore que, s’il est exempt de vanité et s’il remarque si finement celle des autres, il ne la blesse jamais : les sots, les gens ridicules, les ennuyeux, tous les défauts qu’on rencontre dans la société, ne l’incommodent ni ne l’importunent ; il laisse tout passer, et il dirait volontiers, comme Helvétius, qu’il n’est pas plus étonnant que les hommes fassent et disent des sottises, qu’il ne l’est qu’un poirier porte des poires. Aussi n’affiche-t-il jamais aucun principe, aucune maxime de morale ; il ne donne ni conseil ni précepte ; il observe, il pense, car je crois en vérité que la nature ne lui a rien laissé à faire ; elle semble avoir pris