a avec soi-même ; on ne craint pas son jugement
parce qu’on est sûr de son indulgence ; on ne kri
confie pas le secret de son cœur, mais on lui ferait
la confession de sa vie. Enfin jamais personne n’a
inspiré tant de sûreté, et cependant on ne s’avise pas
de le louer de sa discrétion, car la discrétion fait
taire et cacher ce qu’on sait, et M. de Condorcet n’a
aucun de ces deux mouvements : il reçoit et il garde.
Il écoutera le récit d’un malheur avec un visage
calme et qui vous paraîtra quelquefois riant, et, s’il
peut soulager le malheureux dont vous lui parlez,
il y volera sur-le-champ sans vous le dire. On lira
devant lui une tragédie qui transportera tout le
monde d’admiration ou d’attendrissement, et lui
n’aura pas eu l’air de recevoir la plus légère impression, on doutera même qu’il ait écouté ; et au sortir de cette lecture, il rendra compte de cette pièce,
et ce sera avec enthousiasme qu’il en citera les beautés.
Il aura retenu les plus beaux vers, il aura tout
senti et tout jugé, car il donnera les conseils les plus
justes et les plus éclairés à l’auteur, et il sera en état de faire l’extrait de la pièce de manière à la rendre intéressante aux gens qui ne l’auront pas
entendue ; en un mot, aucun des mouvements de son âme ne
se peint sur son visage ni dans ses actions : on le
croirait impassible ; son activité est entièrement concentrée.
En travaillant dix heures par jour, il ne semble
pas attacher beaucoup de prix au temps : il a
l’air de le perdre, de le donner au premier venu ; il
agit sans cesse, et il a toujours l’air du repos et de
n’avoir rien à faire. On ne l’entend jamais se plaindre
Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/834
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