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PORTRAIT


et les soins qu’il faudrait pour rendre sa fortune meilleure lui seraient antipathiques. Il n’a pas cet orgueil qui fait qu’on se met au-dessus des autres ; mais il a cette noble fierté qui fait craindre la dépendance qu’imposent les services et les obligations ; il recevrait de son ami, et il ne demanderait rien à un homme en place.

Mais je vous entends dire : Il n’a donc pas de défauts ? Où sont donc les contrastes que vous m’aviez promis ? Tout ce que vous venez de me dire est du même ton et de la même couleur : après m’avoir peint une bonne qualité, vous m’avez montré une vertu. La vue se lasse, et on veut des ombres et du repos dans tout ce qui fixe l’attention, et surtout dans ce qu’on doit admirer. Ah ! c’est ici où l’art d’écrire ajouterait de l’intérêt à ce que j’ai à dire ; mais il faut y suppléer par la simplicité, il faut se résoudre à tracer d’une manière commune les traits piquants qui caractérisent et distinguent M. de Condorcet. Il y a des portraits aussi ressemblants sur le pont Notre-Dame que dans le cabinet de la Tour. Écoutez-moi donc avec indulgence. Je ne me suis engagée qu’à peindre ressemblant ; si je réussis, ma tâche est remplie.

Je vous ai dit que M. de Condorcet avait tous les genres d’esprit ; vous en concluez que sa conversation est animée et pleine d’agrément. Eh bien, il ne cause point en société : il y parle quelquefois, mais peu, et il ne dit jamais que ce qui est nécessaire aux gens qui le questionnent et qui ont besoin d’être instruits sur quelque matière que ce puisse être. On