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CONSEILS DE CONDORCET


citer ; et c’est le seul conseil utile et praticable que la raison puisse donner à la sensibilité.


IV.


Mon enfant, un des plus sûrs moyens de bonheur est d’avoir su conserver l’estime de soi-même, de pouvoir regarder sa vie entière sans honte et sans remords, sans y voir une action vile, ni un tort ou un mal fait à autrui, et qu’on n’ait pas réparé.

Rappelle-toi les impressions pénibles que des torts légers, que de petites fautes t’ont fait éprouver, et juge par là des sentiments douloureux qui suivent des torts plus graves, des fautes vraiment honteuses.

Conserve soigneusement cette estime précieuse sans laquelle tu ne saurais entendre raconter les mauvaises actions sans rougir, les actions vertueuses sans te sentir humiliée.

Alors un sentiment doux et pur s’étend sur toute l’existence ; il répand un charme consolateur sur ces moments où l’âme, qu’aucune impression vive ne remplit, qu’aucune idée n’occupe, s’abandonne à une molle rêverie, et laisse les souvenirs du passé errer paisiblement devant elle.

Qu’alors, au milieu de tes peines, lu les sentes s’adoucir par la mémoire d’une action généreuse, par l’image des malheureux dont tu auras essuyé les larmes.

Mais ne laisse point souiller ce sentiment par l’orgueil. Jouis de ta vie sans la comparer à celle d'au-