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CONSEILS DE CONDORCET

Si ces dons te sont refusés, cherche dans des occupations moins brillantes un but d’utilité qui les relève à tes yeux, dont le charme l’en dérobe l’insipidité.

Si ta main ne peut reproduire sur la toile ni la beauté, ni les passions, tu pourras du moins rendre des insectes ou des fleurs avec l’exactitude rigoureuse d’un naturaliste.

Vers quelque objet que ton goût t’ait portée, s’il t’a trompé sur ton talent, tu trouveras une semblable ressource.

Mais que la nature t’ait maltraitée ou qu’elle t’ait favorisée, n’oublie point que tu dois avoir pour but ce plaisir de l’occupation, qui se renouvelle tous les jours, dont l’indépendance est le fruit, qui préserve de l’ennui, qui prévient ce dégoût vague de l’existence, cette humeur sans objet, ces malheurs d’une vie d’ailleurs paisible et fortunée. Je ne le dirai point d’éviter que l’amour-propre vienne y mêler ses plaisirs et ses chagrins ; mais qu’il n’y domine point, que ses jouissances ne soient pas à tes yeux le prix de tes efforts, que ses peines ne te dégoûtent point de les répéter, que les unes et les autres soient à tes yeux un tribut inévitable que la sagesse même doit payer à la faiblesse humaine.


III.


L'habitude des actions de bonté, celle des affections tendres, est la source de bonheur la plus pure, la plus inépuisable.