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FRAGMENT [1]

(1794.)
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Je ne puis regretter la vie que pour ma femme et mon Éliza, elles en auraient embelli les derniers instants. Ma vie pouvait leur être utile. Elle était chère à Sophie. Je l’avais consacrée au bien des hommes, à la défense de leur droits, et j’en ai sacrifié les restes à la cause de la liberté. C’est pour elle encore que je mourrai si je succombe à la calomnie. Je n’ai eu depuis quatre ans ni une idée, ni un sentiment qui n’ait eu pour objet la liberté de mon pays. Je périrai comme Sociale et Sidney pour l’avoir servi, sans jamais avoir été ni l’instrument ni la dupe, sans avoir jamais voulu partager les intrigues ou les fureurs des partis qui l’ont déchiré. J’ai soutenu le droit du peuple de ratifier expressément au moins les lois constitutionnelles et la possibilité qu’il l’exerçât, la nécessité du mode de révision régulier et paisible de réformer ces mêmes lois ; enfin l’unité entière et absolue du corps législatif. Vérités qui, alors peu répandues, avaient encore besoin d’être développées. J’ai soutenu, et soutenu presque seul, que, sous peine de compromettre la liberté, il fallait ôter au pouvoir exécutif toute influence sur le trésor na-

  1. Communiqué par madame Vernet, qui l’avait copié sur l’original, aujourd’hui perdu. Ce morceau doit avoir été écrit dans les derniers jours de la vie de Condorcet.