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FRAGMENT DE JUSTIFICATION.


nière espérance, et je suis parvenu, non sans quelque peine, à faire insérer dans le plan d’organisation un article qui aurait prévenu l’abus que les ministres pouvaient faire des fonds de leur département.

Il avait été impossible de faire une révolution par un mouvement général de la masse du peuple, et d’établir la liberté et l’égalité d’une manière même imparfaite, sans que les opinions populaires fussent discutées par le peuple même. Il devait en résulter des semences de désorganisation et un moyen facile pour des intrigants d’acquérir la puissance, en flattant la partie ignorante du peuple par l’exagération de ces principes. Il se forma donc un parti désorganisateur. D’un autre côté, les nobles, les riches, qui s’étaient d’abord unis au peuple de bonne foi, se voyaient avec peine confondus avec lui, étaient inquiets de ces mouvements. Ils devaient chercher à rétablir le règne de la loi, et il devait se former parmi eux un parti d’hommes qui, sous l’apparence du zèle pour la paix, pour le maintien de l’ordre, cherchaient à détruire l’esprit public dans le peuple, et à le tenir, au nom de la loi, dans la dépendance de ceux à qui les autorités nouvellement établies devaient être confiées. Il se forma donc un parti d’hypocrites de modération et de sagesse. Tout homme qui n’était pas sans lumières et dont le patriotisme était sincère, devait haïr également ces deux systèmes et se séparer de ces deux partis. C’est ce que je fis : je me séparai des Jacobins, lorsque je les vis les instruments de quelques factieux ; je cessai d’avoir des liaisons relatives aux affaires publiques avec ce qu’on