Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/744

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
542
TABLEAU GÉNÉRAL


sont souvent inapplicables et vagues ; et pour les choses qui sont susceptibles d’être mesurées, ou de recevoir de nombreuses combinaisons, elles ne s’étendent pas au delà des premiers principes, et deviennent insuffisantes dès les premiers pas. Alors, en se bornant aux raisonnements sans calcul, on s’expose à tomber dans des erreurs, à contracter même des préjugés, soit en donnant à certaines maximes une généralité qu’elles n’ont pas, soit en déduisant de ces maximes des conséquences qui n’en résultent point, si on les prend dans le sens et l’étendue où elles sont vraies. Enfin, l’on arriverait bientôt au terme où tout progrès devient impossible, sans l’application des méthodes rigoureuses du calcul et de la science des combinaisons, et la marche des sciences morales et politiques, comme celle des sciences physiques, serait bientôt arrêtée.

Lorsqu’une révolution se termine, cette méthode de traiter les sciences politiques acquiert un nouveau genre comme un nouveau degré d’utilité. En effet, pour réparer promptement les désordres inséparables de tout grand mouvement, pour rappeler la prospérité publique, dont le retour peut seul consolider un ordre de choses contre lequel s’élèvent tant d’intérêts et de préjugés divers, il faut des combinaisons plus fortes, des moyens calculés avec plus de précision, et on ne peut les faire adopter que sur des preuves qui, comme les résultats des calculs, imposent silence à la mauvaise foi, comme aux préventions. Alors, il devient nécessaire de détruire cet empire usurpé par la parole sur le raisonnement,