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ET LE CALCUL DES PROBABILITÉS.


musement, ils posaient les fondements d’une science aussi vaste qu’utile.

Jacques Bernoulli, dans son ouvrage posthume, intitulé : Art de former des conjectures, fit sentir le premier les liaisons de cette branche des mathématiques avec presque toutes les parties de la philosophie ; et Nicolas Bernoulli, son neveu, prit pour sujet d’une thèse de droit, soutenue à Bâle en 1709, l’application du calcul à des objets de jurisprudence. Il y cherche, par exemple, au bout de quel temps on peut supposer qu’un absent, d’un âge donné, a cessé de vivre, et où l’on a de sa mort une probabilité assez grande pour ordonner en conséquence un partage provisoire de ses biens ; il donne une méthode d’évaluer une rente viagère, et de fixer la partie d’un droit sur les successions, à laquelle un usufruitier peut être assujetti ; il traite des assurances maritimes, objet utile et encore trop peu connu, ainsi que des loteries, qui n’avaient pas alors l’importance funeste qu’elles ont acquise depuis en Europe. Il examine quelle part un fils peut réclamer dans la succession de son père, lorsqu’il a laissé une veuve dans l’état de grossesse ; il va même jusqu’à essayer d’appliquer le calcul à la probabilité des témoignages. Cet ouvrage mérite de faire époque dans l’histoire des sciences, moins peut-être par la manière dont la plupart de ces questions sont résolues, que parce qu’il est le premier où l’on ait donné l’idée de cette application de calcul à des questions de jurisprudence, et surtout, parce qu’il montre en même temps dans combien d’erreurs grossières sont tombés