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DISCOURS


leurs plaisirs, ni à se consoler des malheurs de l’ambition. Ils ne croyaient pas avoir besoin du génie d’un Archimède, pour subjuguer les peuples barbares qu’il leur restait à vaincre et à dépouiller. On voit avec surprise Cicéron, à l’instant même où il tire vanité d’avoir retrouvé le tombeau d’Archimède, n’oser le comparer à des hommes tels qu’Archytas et Platon, moins grands mathématiciens, mais illustres par des rêves philosophiques, alors l’objet de l’admiration. Ces vainqueurs de tant de peuples n’étaient pas même en état de régler leur année ; il fallut que César, chargé comme grand pontife de cette fonction, comme de celle de choisir les victimes et de veiller sur la chasteté des vestales, appelât d’Alexandrie l’astronome Sosigène, pour réparer le désordre honteux qui s’était glissé dans le calendrier romain. Ses successeurs prirent les géomètres pour des astrologues, et, dans la crainte qu’ils ne leur prédissent une mort prompte (prédiction dont leurs extravagances et leurs crimes assuraient l’accomplissement), souvent ils les chassèrent de la ville et de l’Italie.

Le dernier mathématicien célèbre de l’école d’Alexandrie fut Diophante, le premier inventeur connu de l’algèbre, c’est-à-dire de la science qui a pour objet le calcul des grandeurs en général, ou des nombres abstraits. Diophante eut pour premier commentateur la belle et malheureuse Hypatie, que les moines d’Alexandrie mirent en pièces dans l’église patriarcale, et avec elle le flambeau des sciences s’éteignit dans l’Orient.

Cependant il parut encore de temps en temps, à Cons-