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DE M. DE CONDORCET.


Verront-ils avec moins d’étonnement le même génie qui combine avec force pendant la guerre les plans les plus vastes, veiller pendant la paix sur les plus petits détails qui servent à former les instruments de ses victoires ? Seront-ils moins touchés de cette humanité toujours agissante, toujours occupée d’adoucir ces malheurs, suite trop inévitable de la guerre, et qui, dans toute une campagne, au milieu des mouvements les plus importants, et dans les positions les plus critiques, n’oublie pas un seul instant qu’il existe dans une ville conquise un citoyen que l’amitié a confié à ses soins ? N’applaudiront-ils pas à un prince ami de la vérité, prompt à se rendre l’appui de ceux qui souffrent pour elle, regardant les hommes célèbres dans les lettres et dans les sciences, comme les objets les plus dignes de sa curiosité ; chérissant la mémoire de ceux qui ne sont plus, et cherchant avec empressement ce qui reste d’eux dans les lieux honorés par leur génie ? Cette simplicité de mœurs si estimable, même dans un citoyen obscur, ne devient-elle pas la preuve la plus certaine d’un grand caractère, lorsqu’elle se joint à tant de titres, et surtout à tant de gloire ? Enfin, le stoïcisme le plus exagéré, à quelque degré qu’il puisse porter l’oubli des distinctions sociales, pourra-t-il s’empêcher de respecter dans un héros, le frère et l’ami d’un grand homme ?

Mais je sens. Messieurs, combien mon faible organe est au-dessous de vos sentiments, et combien je dois vous faire regretter la perte d’un savant illustre en qui l’Académie aurait trouvé aujourd’hui un