odieux les hommes qui cherchent à les répandre.
Désespérant d’être désormais assez forts avec le secours
de l’ignorance, ils ont voulu soulever les passions
en leur faveur, et pour y réussir, ils ont imaginé
d’accuser les philosophes, les savants, les gens
de lettres, de méconnaître les distinctions établies
dans la société, et de réserver uniquement leurs
hommages aux talents et aux vertus. Ils espéraient
avoir trouvé dans cette accusation un secret sûr de
susciter aux lumières utiles des ennemis puissants,
implacables, et surtout très-nombreux ; car la vanité
persuade aisément à des particuliers très-obscurs,
qu’ils sont aussi dans une de ces classes qui auraient
trop à perdre, si on voulait n’estimer dans chaque
individu que son mérite réel. Mais, en supposant
même cette inculpation aussi fondée qu’elle Test
peu, du moins elle ne rendrait pas ceux contre qui
elle est dirigée, bien coupables aux yeux des hommes
dont ils doivent ambitionner le plus les bontés
et l’estime.
Supposons, en effet, qu’ils oublient qu’un héros est sorti du sang de Charlemagne ou de Witikind, et que le rang auguste qu’il occupe ne leur impose point ; la justice qu’ils rendront à ses qualités personnelles n’en devient-elle pas plus digne de lui ? En sauront-ils moins admirer la réunion si rare d’une activité qui ne laisse ni perdre un instant, ni échapper une occasion, et d’une sagesse consommée qui, dans la conduite d’une guerre entière, n’offre pas même l’apparence de la plus légère faute aux yeux des juges les plus éclairés et les plus sévères ?