Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/650

Cette page n’a pas encore été corrigée
448
DISCOURS


lérance forçait Huyghens et Roëmer à fuir la patrie qu’ils avaient adoptée.

Aujourd’hui, les lettres, les sciences et la philosophie, longtemps séparées, quelquefois ennemies, ont acquis en se réunissant un empire sur l’opinion des hommes, que rien ne peut plus leur enlever. Loin de croire, comme autrefois, que les préjugés peuvent être utiles, sinon aux peuples, du moins à ceux qui les gouvernent, on sait maintenant qu’il n’est aucun préjugé qui ne puisse devenir une source de malheurs pour les citoyens, une cause de révolutions ou d’affaiblissement pour les États. On sait que, si les hommes éclairés sont les seuls qui soient dignes de donner des lois à leurs semblables, les hommes instruits sont aussi les seuls qui sachent obéir aux lois.

On n’ignore plus que le véritable ennemi du genre humain, c’est l’erreur ; qu’elle produit également et les passions qui troublent l’ordre du monde, et la faiblesse qui rend les passions dangereuses ; que c’est elle qui inspire à ceux qui commandent des lois contraires à leurs intérêts, comme à l’intérêt général, tandis qu’en séduisant les esprits de la multitude, elle oppose à tout changement utile, une barrière trop souvent insurmontable.

Les sciences ont acquis une si grande étendue, leurs applications se sont tellement multipliées ; la philosophie a su connaître si bien la véritable méthode de chercher la vérité, que tous ceux qui s’occupent du bonheur des hommes, de la grandeur et de la prospérité des empires, ou trouvent à chaque