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DISCOURS

Plusieurs des éloges de M. D’Alembert ont été lus dans les séances publiques de l’Académie ; on se rappelle les applaudissements qu’ils ont excités ; l’effet qu’ils ont produit est présent à l’esprit, à l’âme de ceux qui m’écoutent, et qui, encore remplis de ce qu’ils ont entendu, me reprochent peut-être que l’amitié n’ait pu m’élever assez au-dessus de moi, pour exprimer d’une manière plus digne d’eux leur reconnaissance et leurs regrets.

M. D’Alembert, au moment où l’Académie s’est séparée, était persuadé de sa fin prochaine : on l’avait vu supporter avec impatience des infirmités qui lui étaient la liberté de travailler et d’agir ; mais il vit approcher d’un œil ferme le terme de sa vie. Quand il sentit que sa carrière était finie pour les sciences et pour les lettres, il supporta avec constance des maux qui n’étaient plus que pour lui, et renonça même au désir de prolonger une existence qu’il regardait comme inutile. Supérieur à ce courage d’ostentation qui se plaît à combattre avec la douleur pour avoir l’honneur de la vaincre, il cherchait à s’en distraire et à l’oublier ; mais il savait soutenir avec une fermeté tranquille l’idée de sa destruction, lorsqu’il y était ramené par des soins que lui inspirait sa bienfaisance, ce sentiment de toute sa vie, dont il voulut étendre les effets au delà même de son existence. Occupé du progrès des sciences et de la gloire de l’Académie jusque dans ses derniers moments, il jouissait des succès d’un confrère, son ancien ami, qui l’a remplacé dans cette compagnie.il me parlait du devoir dont je m’acquitte aujourd’hui envers sa