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A L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


et tantôt commencent par les hommes instruits, descendent d’eux au vulgaire, et gouvernent le peuple longtemps après que ceux qui exercent leur raison ont su les rejeter.

Soixante-dix éloges d’académiciens, différents par leur génie, par leur état, par le genre de leurs productions, ont occupé pendant quelques années les loisirs de M. D’Alembert ; et, dans ces ouvrages, variant son style avec ses sujets, toujours ingénieux, toujours clair, il montre partout une raison supérieure, une philosophie vraie et élevée, dont il a souvent l’art d’adoucir les traits pour la rendre plus usuelle, plus utile au grand nombre.

Ce goût exclusif pour ce qui est utile et vrai était un des traits caractéristiques de son génie, et domine dans ses éloges comme dans ses autres ouvrages. M. D’Alembert rejetait avec dégoût tout ce qui, dans les sciences, n’était pas appuyé sur les faits ou sur le calcul. Un système brillant, une théorie incertaine, quelque profonde qu’elle fût, n’étaient à ses yeux « ne des bagatelles sérieuses, indignes d’occuper des hommes. Dans la philosophie il dédaignait toutes ces opinions spéculatives où l’esprit trouve sans cesse à creuser plus avant dans un terrain toujours stérile ; il haïssait la subtilité, et parce qu’elle nous égare, et parce qu’elle consume en de vains travaux notre temps et nos forces ; il ne craignait point de trop rétrécir le champ où l’esprit humain peut s’exercer, parce qu’il savait qu’il reste assez de vérités utiles à découvrir pour occuper les hommes de tous les âges.