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A L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


La jeunesse poursuit trop souvent, avec ardeur, des chimères sérieuses que son imagination réalise : pourquoi n’excuserions-nous pas la vieillesse, lorsqu’elle s’amuse avec des contes, et qu’elle cherche à jouir un moment de leurs douces et passagères illusions ?

M. le comte de Tressan était depuis longtemps associé libre de l’Académie des sciences ; et ces deux compagnies ont toujours vu naître avec plaisir l’occasion de resserrer, par de nouveaux liens, cette union utile à toutes deux. Vous venez de nous montrer combien l’éloquence et la littérature peuvent devoir de beautés à l’étude approfondie de l’homme et de la nature ; mais combien aussi les sciences peuvent-elles avoir d’obligation à l’étude des lettres ? La méthode de se former des idées justes est liée à l’art de s’exprimer avec précision ; la clarté de nos idées dépend de l’exactitude du sens que nous attachons à leurs signes : nous n’avons même d’idées bien précises que celles dont nous avons fixé l’étendue en les désignant par un mot. Ce n’est pas seulement en parlant, en lisant, en écrivant, que nous ne séparons point nos idées du mot qui les exprime ; cette liaison se fait sentir dans nos méditations et dans nos recherches. Les idées que nous combinons pour nous élever à des vérités nouvelles, ne se présentent à l’esprit qu’accompagnées du signe que l’habitude ne nous permet plus d’en séparer ; et la perfection de la langue de chaque science contribue, plus qu’on ne l’imagine, à y rendre les découvertes plus promptes et plus faciles.

Longtemps on a paru croire que l’étude des scien-