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A L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


de leurs auteurs n’ont pu les préserver, votre ouvrage sera plus heureux, et la postérité vous pardonnera votre peuple hyperboréen, comme elle a pardonné les atomes à Lucrèce, et les tourbillons à l’auteur de la Pluralité des Mondes.

Il est possible même que ces systèmes, mêlés avec art à des vérités importantes, aient quelquefois une utilité réelle. Ils peuvent inspirer le goût de l’instruction à ces esprits que l’incertitude, le doute, la méthode lente et rigoureuse des sciences exactes, fatiguent ou rebutent. On a dit qu’il fallait des fables aux hommes pour leur faire supporter la vérité, et ces opinions systématiques sont peut-être la seule mythologie qui convienne à des siècles éclairés.

M. le comte de Tressan, que vous remplacez parmi nous, unissait, comme vous, les sciences et les lettres ; il eut le courage de les cultiver au milieu de toutes les illusions de la jeunesse, de l’agitation de la cour, de la dissipation du monde, du tourbillon des plaisirs. Tandis qu’il immortalisait dans ses vers les charmes de l’actrice célèbre à qui les ennemis d’un grand homme ont osé attribuer une partie du succès de Zaïre, il écrivait à Voltaire, à Fontenelle, à Haller, à Bonnet, aux Bernouilli, au vainqueur de Molwitz, au philosophe qui a chanté les saisons ; il méditait les ouvrages des savants ; il jetait sur la nature un regard observateur. Chaque jour, quelques heures enlevées au plaisir étaient consacrées à l’étude, et il en a reçu la récompense ; les lettres ont été la consolation de sa vieillesse.

Dans un âge où les hommes les plus actifs com-