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DISCOURS DE M. DE CONDORCET.


rée, un désintéressement noble et sans faste, furent ses principales vertus.

Les jeunes gens qui annonçaient des talents pour les sciences et pour les lettres, trouvaient en lui un appui, un guide, un modèle.

Ami tendre et courageux, les pleurs de l’amitié ont coulé sur sa tombe, au milieu des regrets des académiciens, de la France et de l’Europe. Il eut des ennemis pour que rien ne manquât à sa gloire ; et l’on doit compter, parmi les honneurs qu’il a reçus, l’acharnement avec lequel il a été poursuivi, pendant sa vie et après sa mort, par ces hommes dont la haine se plaît à choisir pour ses victimes le génie et la vertu.

Honoré par lui, dès ma jeunesse, d’une tendresse vraiment paternelle, personne, dans la perte commune, n’a plus à regretter que moi. Son génie vivra éternellement dans ses ouvrages ; il continuera longtemps d’instruire les hommes ; il reste tout entier pour les sciences et pour sa gloire : l’amitié seule a tout perdu.

La mort de M. D’Alembert avait été précédée de quelques semaines seulement par celle de M. Euler, génie puissant et inépuisable, qui, dans sa longue carrière, a parcouru toutes les parties des sciences mathématiques et reculé les bornes de toutes. Toujours original et profond, mais toujours élégant et clair, il a publié plus de quatre cents ouvrages, et il n’en est pas un seul qui ne renferme une vérité nouvelle, une découverte utile ou brillante. Privé de la vue, son activité, sa fécondité même, n’en avaient