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A L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


le plus éloquent des progrès de l’esprit humain ; le géomètre qui, déterminant le premier les lois suivant lesquelles les corps obéissent aux forces que la nature leur imprime, a résolu les problèmes les plus difficiles que Newton ait laissés à ses successeurs ; l’inventeur enfin d’un nouveau calcul, gloire que sans lui notre siècle eût enviée à celui qui l’a précédé, est devenu par vos suffrages l’organe d’une compagnie consacrée à la culture des lettres ; et vous l’avez souvent entendu instruire, intéresser vos assemblées par la lecture de ces éloges, où l’on voit cette justesse d’expression, que l’étude des sciences exactes rend naturelle, s’unir à une grâce, à une légèreté, à une finesse, dont l’écrivain qui aurait fait de la littérature son unique étude ne pourrait s’empêcher d’être jaloux.

L’académicien à qui j’ai l’honneur de succéder, devait une partie de ses succès et de sa réputation au bonheur qu’il eut d’avoir fortifié sa raison naissante par la culture des sciences mathématiques. Son père, proscrit en France comme calviniste, et excommunié en Suisse pour n’avoir pas été de l’avis de Calvin, avait renoncé pour toujours à des études dont il avait été deux fois le martyr : ce ne fut que dans le sein des sciences qu’il put trouver du repos sans désœuvrement, et de la gloire sans persécutions. Il destina son fils à suivre la même carrière. Ses premiers essais, qui annonçaient un digne successeur de son père, lui méritèrent les suffrages de l’Académie des sciences, mais des circonstances étrangères à son talent et à sa personne l’écartèrent d’une place