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DISCOURS DE RÉCEPTION


ne surent que commenter, dans des phrases cadencées avec art, les maximes de l’académie ou du portique. L’empire des lettres sera plus durable parmi nous, parce que chaque âge, marqué par des vérités nouvelles, ouvrira au talent du poète ou de l’orateur de nouvelles sources de beautés. Ces grands phénomènes, qui ont frappé les regards des premiers hommes et réveillé le génie des premiers inventeurs des arts, n’offriraient à leurs successeurs que des peintures usées qu’il ne serait plus au pouvoir du talent d’animer ou de rajeunir, si les philosophes, en déchirant le voile dont les fables et les systèmes ont si longtemps couvert la vérité, n’avaient montré aux yeux des poètes un nouveau monde agrandi par leurs découvertes. Dans des siècles livrés à l’erreur, Ovide et Lucrèce ont embelli des couleurs de la poésie les systèmes de Pythagore et les rêves d’Épicure. La loi éternelle de la nature nous est-elle enfin révélée ? Voltaire saisit ses pinceaux ; il peint, avec la palette de Virgile, le tableau de l’univers tracé par le compas de Newton.

Aussi, Messieurs, avez-vous toujours combattu par vos ouvrages et par vos exemples cette opinion qui fait regarder le progrès des sciences comme un avant-coureur de la chute des beaux-arts, opinion qui en serait la satire la plus cruelle et un aveu de leur inutilité.

On vous a vus toujours appeler parmi vous les hommes que les sciences ont illustrés, et dont la culture des lettres épurait le goût et embellissait le génie. Le philosophe profond, à qui nous devons le tableau