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A L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


le consoler ? Peut-être le courage de la vertu est-il moins nécessaire aux rois qu’un esprit juste et les lumières. Dans tous les hommes, l’ignorance est la source la plus féconde de leurs vices : mais c’est surtout pour les hommes revêtus d’un pouvoir suprême que cette vérité est incontestable ; c’est pour eux surtout qu’il est vrai que l’intérêt personnel et la justice, leur bonheur et celui de leurs concitoyens, sont liés par une chaîne indissoluble. Eux seuls peuvent opposer aux faibles intérêts de leurs passions, et l’opinion de l’univers, dont l’œil inquiet et sévère les observe et les juge, et la destinée de tout un peuple attachée à un instant d’égarement ou de faiblesse.

Parmi les philosophes qui ont regardé le progrès des lumières comme le seul fondement sur lequel le genre humain pût appuyer l’espérance d’un bonheur universel et durable, plusieurs ont cru que ces mêmes progrès pouvaient nuire à ceux des lettres et des arts ; que l’éloquence et la poésie languiraient dans une nation occupée de sciences, de philosophie et de politique.

Cependant les principes des arts sont le fruit de l’observation et de l’expérience ; ils doivent donc se perfectionner, à mesure que l’on apprend à observer avec plus de méthode, de précision et de finesse.

Les hommes, en s’éclairant, acquièrent plus d’idées, et ces idées sont plus justes ; les nuances qui séparent les objets deviennent à la fois plus fines et plus distinctes. Les langues doivent donc alors se perfectionner et s’enrichir ; car leur véritable richesse