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OBSERVATIONS DE CONDORCET


ce serment qui était aussi imprudent que barbare. Une loi qui ordonnerait de détruire une ville, parce que ses habitants en ont détruit une autre, peut être très-injuste ; mais elle ne serait pas plus contraire aux vues du législateur que la loi qui décerne la peine de mort contre les assassins, dans la vue d’empêcher les meurtres.

Il existe près de nous tant de lois importantes, qui contrarient les vues pour lesquelles le législateur les a établies, qu’il est bien étrange que l’auteur de l’Esprit des lois ait été choisir ces deux exemples.

Cette observation se présente souvent, et l’on peut en donner la raison. (Voyez chap. 16.)

Chapitre VI. Que les lois qui paraissent les mêmes, n’ont pas toujours le même effet.

La loi de César était injuste et absurde. Quelle était donc la tyrannie de cet homme si clément, s’il s’était arrogé le droit de fouiller les maisons des citoyens, d’enlever leur argent, etc., et, s’il n’employait pas ces moyens, à quoi servait sa loi ? D’ailleurs elle devait augmenter la masse des dettes ; et elle n’aurait pu être utile aux débiteurs qu’en diminuant l’intérêt de l’argent. Or la liberté du commerce est le seul moyen de produire cet effet. Toute autre loi n’est propre qu’à faire hausser l’intérêt au-dessus du taux naturel.

La loi de César n’était vraisemblablement qu’un brigandage, et celle de Law était de plus une extravagance. (Voir Dion Cassius, liv. 41)