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OBSERVATIONS DE CONDORCET

Les deux exemples cités sont mal choisis. La simplicité des formes n’est pas contraire à la sûreté, soit de la personne, soit des biens, pour le maintien de laquelle les formes sont établies. Montesquieu semble le croire ; mais il ne le prouve nulle part ; et les injustices causées par les formes compliquées rendent l’opinion contraire au moins vraisemblable.

Le second exemple est ridicule. Qu’importe à la science de composer les lois que Cécilius ou Aulu-Gelle aient dit une sottise ?

Par esprit de modération, Montesquieu n’entendrait-il pas cet esprit d’incertitude qui altère par cent petits motifs particuliers les principes invariables de la justice ? (Voyez le chapitre 18.)


Chapitre III. Que les lois qui paraissent s’éloigner des vues du législateur y sont souvent conformes.

Le premier devoir d’un législateur est d’être juste et raisonnable. Il est injuste de punir un homme pour n’avoir pas pris un parti, puisqu’il peut ou ignorer quel est le parti le plus juste, ou les croire tous deux coupables. Il est contre la raison de prononcer la peine d’infamie par une loi : l’opinion seule peut décerner cette peine. Si la loi est d’accord avec l’opinion, la loi est inutile ; et elle devient ridicule, si elle est contraire à l’opinion.

Montesquieu ne se trompe-t-il pas sur l’intention de Solon ? Il semble qu’elle était plutôt d’obliger le gros de la nation à prendre parti dans les querelles