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LETTRE


par l’œil droit, et le second par l’œil gauche. Mais n’allez pas croire que l’on passe l’éternité à les regarder : on se permet des distractions dans le ciel. Les esprits des savants vont se promener de planètes en planètes, d’unions en unions ; ceux qui ont habité notre terre volent dans Sirius pour savoir comment tout s’y passe. Vous sentez combien la science de ces esprits surpasse celle d’un homme qui connaît à peine un petit coin de notre petit globe. Tous ces mondes sont habités, et le ciel, qui doit contenir la plupart des hommes de tous les siècles, occupe un espace infiniment plus grand que celui de cet univers naturel.

— « Mon cher Svédenborg, ne vous est-il jamais arrivé, dans vos extases, surtout dans les premières, de vous frotter les yeux un peu fortement ?

— « Non. J’aurais craint de me priver du spectacle merveilleux qui m’enchantait, et de mériter de perdre la grâce qui m’a été accordée.

— « Vous ne vous souvenez donc pas d’avoir ouï dire, dans le temps où vous n’étiez qu’un philosophe terrestre, qu’il est très-commun de voir des fantômes, soit la nuit, soit en fixant un objet qui n’arrête pas l’attention, soit en fermant les yeux, lorsqu’on a la vue fatiguée, ou qu’une cause interne met cet organe en état de contraction ? Les fantômes sont quelquefois assez bien terminés pour faire une véritable illusion ; mais, si on est importuné, on les fait disparaître en se frottant les yeux. Un autre ébranlement succède au premier, et l’illusion se dissipe.

— « Je vois, me dit gravement Svédenborg, que