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LETTRE

— « Mais que devient, pendant ce temps, le corps de Svédenborg ?

— « Il reste sur la terre, et paraît aux autres hommes dans un état de contemplation et d’extase ; mais il est affranchi des besoins ordinaires. J’ai passé une fois dix-sept jours dans le ciel, sans que mon corps ait souffert du défaut de nourriture. Pendant ce temps, j’avais le plaisir de contempler le soleil de justice, et de m’instruire des grands mystères que j’ai été chargé de révéler aux hommes.

— « Qui avez-vous trouvé dans le ciel ?

— « Les esprits, les hommes justes et vertueux, élevés au plus haut degré de gloire et de bonheur. Mais les chrétiens seuls y peuvent être admis à l’instant de la mort. Il faut que les autres, qui n’ont pas connu la vérité, et ceux qui l’ont combattue, aient eu le temps de la comprendre et de l’aimer. Les derniers y restent plus longtemps dans un état de trouble et de doute qui est leur opinion. J’ai reconnu Cicéron, et j’ai jugé par ses discours qu’il approchait du moment où, absolument délivré de ses anciennes erreurs, il serait digne d’être admis parmi les esprits bienheureux. J’ai rencontré aussi des Chinois : ils me paraissaient si étonnés de ce qu’ils voyaient, que je crois qu’ils ont encore longtemps à attendre.

— « Mais qu’arrive-t-il à ceux qui ont commis de mauvaises actions ?

— « Ceux-là sont confinés dans un lieu particulier. Comme ils sont d’autant plus coupables qu’ils ont été plus éclairés, ils sont aussi d’autant plus punis ; car ils ont un désir violent d’aller contempler ce so-