Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/550

Cette page n’a pas encore été corrigée
348
LETTRE


quelle est la pierrière règle de la politique ? C’est d’être juste. Quelle est la seconde ? C'est d’être juste. Et la troisième ? C'est encore d’être juste.

Je ne répondrai point aujourd’hui à la deuxième lettre. Je soupçonne celui qui l’a écrite d’avoir voulu se moquer aussi de moi, avec son projet de mettre l’agriculture et la morale en chansons. Il a peut-être plus raison qu’il ne croit. Je compte bien lui dire quelque chose un jour sur la manière de rendre le peuple meilleur en l’amusant. Mais je me contenterai, dans ce moment, de vous envoyer une lettre [1] dont le hasard m’a fait avoir une copie, et qui peut réveiller beaucoup d’idées sur l’instruction qui convient au peuple, et les moyens de lui inspirer des vertus.

Je ne dois que des remerciments à l’auteur de la

  1. Cette lettre est celle d’un M. Delahaye, curé de l’avant. Elle est insérée dans le Journal de Paris, du 21 juin 1777.

    Le roi, ayant accordé à M. Delahaye six cents livres de pension, en récompense des services rendus pendant les émeutes de 1775, le bon curé fit l’abandon de cette somme à la paroisse de Pavant, tant qu’il en serait curé. Deux ans après, c’est-à-dire en mai 1777, M. Delahaye fut nommé à la cure de Nogent ; on vint le féliciter avec une gaieté apparente ; mais, à la messe, il aperçut des larmes dans tous les yeux. Alors il monte en chaire, et déclare à ses paroissiens qu’il renonce à son avancement, et ne les quittera pas. À ce mot, une allégresse sincère et bruyante éclate, malgré le respect du lieu : on crie, on s’embrasse, on pleure de tendresse, et le pasteur et les brebis allèrent dîner tous ensemble ; après quoi l’on tira des boîtes et l’on fit un feu de joie.

    Tel est en bref le contenu de cette lettre, rédigée en style un peu diffus et déclamatoire.