Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/544

Cette page n’a pas encore été corrigée
342
LETTRE


philosophiquement, en imprimant, pour favoriser son système, des faussetés que lui-même il ne croit pas.

Je ne sais. Messieurs, si vous voudrez faire usage de mes observations ultérieures sur cette singulière anecdote. Rien ne fait plus de tort aux préjugés de la saine philosophie que ce défaut d’exactitude dans le rapport des faits, que nos sages n’approfondissent pas, avant que de les livrer au grand jour de la presse. On les en croit d’abord sur leur parole ; mais, quand un rayon de la vérité vient à briller sur un fait hasardé, tel que celui des crétins d'aujourd’hui, on est indigné d’avoir été trompé ; tous les raisonnements appuyés sur des faits controuvés s’écroulent, et l’on devient incrédule ou sceptique par la négligence, le défaut de critique ou la mauvaise foi de ceux qui les ont avancés.

Je pardonne encore moins à d’illustres personnages, qui n’ont aucunement besoin de ces petits moyens pour persuader, de se permettre l’altération des faits, l’invention même, pour donner des preuves de leurs raisonnements, ou pour amuser les lecteurs avides de ridicule. Tous ceux qui ont vécu avec feu M. l’abbé Velli connaissent cette anecdote. Occupé sérieusement de la rédaction de l’histoire de France, il lut avec étonnement, dans des mémoires pour servir à l’histoire universelle, que les seigneurs delà cour de saint Louis, qui l’accompagnèrent dans l’expédition de la terre sainte, n’avaient rien eu de plus pressé, à leur arrivée dans la Palestine, que de donner un bal où toutes les dames du pays