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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.


dont vous avez été la victime. Elle seul tout ce qu’ont perdu les sciences par la destruction des travaux que vous aviez préparés pour elles. Ce n’est pas vous, Monsieur, qui êtes à plaindre : votre vertu et voire génie vous restent ; et il n’est pas au pouvoir des hommes de vous ôter le souvenir du bien que vous leur avez fait ; ce sont les malheureux dont de coupables manœuvres ont égaré la raison, et dont les remords ont déjà puni le crime.

Vous n’êtes point le premier ami de la liberté contre lequel les tyrans aient armé ce même peuple dont il défendait les droits. C’est le moyen qu’ils se réservent contre celui que son désintéressement, l’élévation de son âme et la pureté de sa conduite, mettent également à l’abri de leurs séductions et de leurs vengeances. Ils le calomnient, parce qu’ils ne peuvent ni l’intimider ni le comprendre ; ils arment contre lui les préjugés, quand ils n’osent même essayer d’armer les lois ; et ce qu’ils ont fait contre vous est l’hommage le plus glorieux que la tyrannie puisse rendre à la probité, aux talents et au courage.

Il se forme actuellement en Europe une ligue contre la liberté générale du genre humain ; mais depuis longtemps il en existe une autre occupée de propager, de défendre cette liberté sans autres armes que la raison, et celle-ci doit triompher. Il est dans l’ordre nécessaire des choses que l’erreur soit passagère et la vérité éternelle ; sans cela, elle ne serait pas la vérité. Les hommes de génie, soutenus de leurs vertueux disciples, mis dans la balance avec la tourbe