Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/495

Cette page n’a pas encore été corrigée
293
CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.


hommes qui, à la honte du parlement, ont gardé leurs places, ne puissent avoir encore la même audace. J’avais imaginé que le meilleur moyen pour cela, serait de commencer par demander la réhabilitation du chevalier de La Barre. Si on l’obtenait, si l’opinion publique avait flétri ses assassins, alors M. d’Élalonde pourrait se présenter sans risques. Mais on dit qu’il n’y a pas de moyen de cassation, et c’est ce que je ne puis croire. N’en est-ce pas un, Monsieur, qu’une peine de mort prononcée sans y être autorisé par une loi, sans avoir même aucun exemple ? Or, nous n’avons aucune loi qui porte la peine de mort contre les blasphèmes. Celles qui pour ce crime infligeaient des peines corporelles seulement, et que saint Louis avait portées, ont été, même en ce temps de barbarie et de persécution, désapprouvées par le pape.

La déclaration de Louis XIV dit que, pour les blasphèmes énormes, les juges pourront ordonner de plus grandes peines’que celles qui sont portées par la loi ; mais le mot de peine de mort ne s’y trouve point. Le parlement croit-il avoir le droit de condamner à mort qui il lui plait ? et le conseil, qui casse les arrêts lorsqu’ils sont contraires au texte de l’ordonnance pour la procédure, ne peut-il pas les casser lorsqu’ils s’écartent du texte de la loi pénale, lorsqu’ils infligent un supplice qu’elle ne prononce pas, lorsqu’au lieu d’être des juges, les magistrats ne sont plus que des assassins ? Car la loi seule, et une loi claire, précise, peut autoriser un citoyen à prononcer la mort d’un autre, et, dans tout autre cas, celui