malgré la décision du critique, M. Euler est encore
plein de vie et de génie ; qu’il n’est pas mort et que
son nom ne mourra point. Le même Aristarque décidait
que M. D’Alembert était un géomètre sans invention.
Cela vaut à peu près le jugement de l’abbé
Desfontaines, qui imprimait dans ses feuilles
que Newton n’avait point d'autre philosophie dans la tête que quelques termes de logique.
Peut-on se fâchera près cela, lorsque les mêmes gens trouvent plus de génie dans Suréna que dans Mahomet, et préfèrent le Brutus de Fontenelle à celui de M. de Voltaire ? Tous ces jugements ne peuvent nuire ni à la philosophie ni aux beaux-arts ; mais les délations et les calomnies nuisent à ceux qui cultivent la philosophie et les arts. Voilà ce qui est vraiment détestable ; le reste n’est que ridicule.
Adieu, Monsieur ; aimez-moi toujours. Je compte avoir bientôt le plaisir de vous embrasser, en attendant celui de pleurer aux Bannécides, qui, malgré mes critiques dans lesquelles je persiste, sont un chef-d’œuvre d’éloquence [1].
- Ce jeudi, août 1774.
Premier intérêt : c’est de vous voir ; ainsi, bon Condorcet, si vous arrivez de bonne heure, je vous espérerai. Vous m’avez fait tous ces temps-ci ma part un peu courte ; mais c’est un regret et point une plainte. Mon Dieu, se plaindre du bon Condorcet !
- ↑ Cette lettre fut insérée dans le Mercure de France, de juillet 1774.